Bourse ▹ Coline Jourdan

En 2023, Le Lieu a pu soutenir le travail de la photographe Coline Jourdan et son projet Soulever la poussière grâce à l’Aide aux jeunes artistes plasticien·ne·s portée par la Région Bretagne. Cette bourse, d’un montant de 3000€ est destinée à soutenir les jeunes artistes vivant et travaillant en région Bretagne, pour les accompagner dans la recherche et la production de nouvelles œuvres.

Coline Jourdan est une photographe née en 1993, diplômée de l’ENSA de Dijon. Ses projets interrogent la présence du toxique dans nos environnements à travers des formes photographiques documentaires et expérimentales. Depuis 2018, Coline Jourdan a été lauréate de plusieurs prix et bourses (Prix d’Impression Photographique – Ateliers Vortex, Bourse Impulsion – Ville de Rouen, Prix Nouvelles écritures – La Gacilly, Bourse 50CC Air de Normandie..). En 2020, elle est sélectionnée pour la Résidence 1+2 où elle débutera 𝘚𝘰𝘶𝘭𝘦𝘷𝘦𝘳 𝘭𝘢 𝘱𝘰𝘶𝘴𝘴𝘪è𝘳𝘦. En 2023 son travail est exposé au Point Du Jour, à la BnF et à C/0 à Berlin.

© Coline Jourdan

Soulever la poussière

Amorcé en 2020, puis poursuivit grâce, entre autre, au Soutien à la photographie documentaire contemporaine du CNAP, le projet Soulever la poussière de Coline Jourdan est un travail au long cours qui se déploie autour de trois axes de recherches.

Dans ce travail, Coline Jourdan explore le territoire de l’ancienne mine de Salsigne, située dans la vallée de l’Orbiel, près de Carcassonne. Exploitée tout au long du XXe siècle, cette mine fut une des plus importantes d’Europe pour l’or et du monde pour l’arsenic. Notamment utilisé dans l’industrie phytosanitaire, l’arsenic de Salsigne servit à produire les défoliants répandus par l’armée étasunienne durant la guerre du Viêt-Nam sur les champs et les forêts. Après l’arrêt de l’extraction, le site servit au stockage et à l’élimination de déchets. L’activité industrielle a pris fin au seuil des années 2000, mais l’environnement en garde toujours les traces.


Le premier volet de ce travail questionne l’apparente naturalité du paysage. Depuis presque trois ans, la photographe parcourt la vallée de l’Orbiel. Elle est belle et sauvage, la végétation y est dense et se dresse majestueusement sur les sommets de la Montagne Noire. On ne remarque pas d’emblée les collines artificielles qui recouvrent les tonnes de résidus souvent toxiques issus de l’exploitation minière. Dans un premier temps, le projet a privilégié l’approche scientifique. Accompagnant une équipe de chercheurs du laboratoire Géosciences et environnement de Toulouse, Coline Jourdan photographie ce paysage à différentes échelles. La finesse de leurs regards, l’attention portée aux détails et aux indices imperceptibles orientent mon regard au plus proche du sol. Certains minéraux sont photographiés sur fond noir afin de faire émerger les traces blanches de l’arsenic, partout disséminé sur le territoire.

Le second volet Habiter la terre, qui prend court entre 2023 et 2024 avec le soutien de la bourse, porte sur la dimension sociologique liée aux enjeux environnementaux au travers de l’exemple de ce territoire.

Fin 2022 se crée « Pour que vive la vallée de l’Orbiel », une association composée d’habitants de la vallée souhaitant unir leurs forces et connaissances du terrain pour interpeller l’Etat sur sa responsabilité dans cette situation, ces impacts environnementaux, sanitaires et sociaux. Il y a quelques mois, la rencontre entre Coline Jourdan et d’anciens mineurs et lanceurs d’alerte lui fait poser un nouveau regard sur la vallée. Elle redécouvre le paysage à travers cette mémoire ouvrière et la vie actuelle des habitants.


Habiter la terre tente ainsi d’explorer ce rapport intime au paysage de la vallée de l’Orbiel au travers de ces regards des personnes qui l’habitent. Pour ce second volet, Coline Jourdan photographie à la fois ces personnes, les suit sur le terrain afin d’avoir une approche sensible de ce territoire qui s’éloignerait
de l’approche factuelle scientifique privilégiée dans le premier volet. À la recherche d’une représentation juste, entre sciences et intimes, des relations se tissent donnant à voir la complexité de ce lieu qui ne peut être résumé qu’à sa pollution.