En 2023, Le Lieu a pu soutenir le travail du photographe Damien Rouxel et son projet Qu’est ce qu’on va dire de nous grâce à l’Aide aux jeunes artistes plasticien·ne·s portée par la Région Bretagne. Cette bourse, d’un montant de 3000 euros est destinée à soutenir les artistes vivant en travaillant en région Bretagne, pour les accompagner dans la recherche et production de nouvelles œuvres.
Damien Rouxel Damien Rouxel est un jeune artiste plasticien performeur diplômé de l’EESAB Quimper et d’une licence en Histoire de l’art et archéologie. Après une présentation critique par Fabienne Dumont au Prix Critique de l’AICA (2016), il a depuis participé à de nombreuses expositions collectives : Les 7 démons à l’H2M, Bourg en Bresse (2016), A Corps Queer à Paris (2017), la 12ème Biennale de la Jeune Création à Houilles (2018), Lignes de vies, une exposition de légendes au MAC VAL (2019), En Être pour la 70ème édition Jeune Création (2020), Agir en son lieu au Transpalette Bourges (2021), le Prix Utopi.e aux Magasins Généraux (2022), le cycle Résistance des fluides chez Air de Paris, Marcelle Alix et Galerie Sultana (2023). «Qu’est ce qu’on va dire de nous ? » s’inscrit dans le sillage de ses expositions personnelles passées : À notre fils à Brest (2018), Entre nous à l’Atelier Marcelin (2022) et Pas de côté à Saint Berthevin (2022). Sa pratique artistique a fait l’objet d’un portrait L’Atelier A par Arte Creative – ADAGP, d’un article dans la revue 303-Monde paysan, d’une double page dans Libération, d’un podcast Présent.e et d’un épisode Rurart dans l’émission Tracks.
Damien Rouxel est un jeune artiste né en 1993, il vit et travaille à Quimper
© Damien Rouxel
Qu’est ce qu’on va dire de nous?
Le travail de Damien Rouxel, mélange de photographies, vidéos, textes et performances, s’articule autour des questions de genre, de ruralité et de travestissement. Damien explore la ferme, ses outils et son langage, en fait un décor où les formes s’hybrident et se métamorphosent. L’artiste y projette ses rêves et ses fantasmes, leur donne vie par la création de costumes, de masques qui viennent entremêler l’homme et l’animal, l’héritage familial et les mythes. Par la mise en scène de ses parents, de sa sœur et ses autoportraits, il questionne nos rapports sociaux et notre identité dans un monde vacillant entre maintien des traditions et rejet de la réalité. Le projet exposé lors des 25èmes Rencontres Photographiques propose un recueil d’œuvres inédites, constitué et produit dans le cadre de l’Aide aux jeunes artistes plasticien.ne.s, portée par la région Bretagne.
Prononcée à l’annonce de mon homosexualité, ressentie quant à mes racines « bouseuses », intégrée face au village, questionnant nos choix de vie et incarnant le regard de la ville… Cette phrase entendue, répétée et assimilée est constituante de nos relations et manières d’être. Ces mots transpirent de l’importance accordée aux jugements, au poids du regard de l’autre : sur soi, sur l’autre, sur le.a déviant.e, sur le.a marginal.e, sur l’étranger.e, sur l’homosexuel. le, sur la campagne…
La rumeur qui parcourt le village, les commérages, les on-dit, les discussions pendant les repas de famille, la peur du jugement, la peur d’être pointé du doigt, les disputes et les insultes… où l’importance d’être normal pour être bien. Ces silences pesants et l’absence de mot, où les non-dits, les secrets, ce que l’on ne doit pas savoir, ce que l’on ne doit pas montrer et ce que l’on ne doit pas être, prennent toutes leurs ampleurs. Une annonce. Un geste. Un mot de trop. Des éclats de voix. Une absence. La fin du repas. Que les mots soient prononcés ou tus, ils s’ancrent dans la chair et font partie du décor. Quand les nuages se taisent…
Fils d’agriculteurices, ma pratique artistique mêle histoires personnelles, récits familiaux, mythologiques, religieux, légendaires, actualités, et les iconographies (histoires de l’art, images populaires…). Les codes se transforment, les mots se mêlent, les corps se performent et les frontières se brouillent. Mes images constituent un album photo de famille débuté en 2013 et sont prétextes à la mise en relation et aux rapprochements tout en jouant des ambivalences. Rarement seules, elles sont liées à des textes, objets, installations et sculptures. Elles suscitent toujours de nombreux questionnements quant à la genèse de ce travail et l’état de nos relations. Comment cela est possible ? Comment cela a commencé ? Comment ça se passe ? Comment nos mondes qui semblent opposés coexistent et créent ensemble pour mettre à mal les stéréotypes ? Ces mots « Qu’est-ce qu’on va dire de nous ? » pourraient être le frein ou l’interdit à ma pratique, mais aussi surprenant que cela puisse être, ce n’est pas le cas
Damien Rouxel
Image d’accueil : © Damien Rouxel